Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

L'auteur

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

mercredi, février 28, 2018

LES VIES PARISIENNES DE NADINE


LA VIE PARISIENNE (1866)

Opéra-bouffe,

Livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy,

Musique de Jacques Offenbach

NOUVELLE PRODUCTION
Odéon Marseille
24 février  


On avait aimé, en 2011, la production avignonnaise de La Vie parisienne de Nadine Duffaut, qui tournant, comme « tourne, tourne, tourne » la tourbillonnante ritournelle finale de l’œuvre, semblait toujours neuve dans sa reprise marseillaise, sans une ride mais non sans rires, au contraire, affinée et raffinée, dans ses tons de gris clair très Art Nouveau 1900, élégante jusqu’au bout des ongles de Métella. Pour l’Odéon, une scène qu’elle connaît bien puisqu’elle y a monté en 2015, pour enfants, avec des enfants, en un temps record, un remarquable Douce et Barbe-Bleue (conte musical en forme d’opéra, livret de Christian Eymery, musique d’Isabelle Aboulker, d’après Charles Perrault), avec des contraintes encore de temps et de lieu (voir ce blog 26 décembre 2015), et sûrement de moyens, elle nous délivre une autre Vie parisienne pétillante de vie, mais sans se répéter autrement que par l’exploit de la réussite trépidante, sans ce temps mort qui est le tort de faire un sort aux passages parlés, si faibles, de tant d’opérettes qui en finissent la trame trouée de lourdes parenthèses verbeuses. La rapidité du traitement de ces textes, sans nuire à leur nécessité dramatique qui explique et fait avancer l’action comme des récitatifs, laisse vite alors la juste place méritée par les airs, les ensembles, dans une continuité musicale plus alerte. Et il est vrai qu’une solide mais légère et agile troupe de chanteurs comédiens, bien dirigés, les expédient rapidement pour s’adonner, se donner plus pleinement au chant. Dont on appréciera l’apparente facilité en soulignant la difficulté de passer de l’émission parlée à la chantée.


 L’œuvre

         Sinon le siècle, le Second Empire, honni par Hugo, avait deux ans, « Napoléon [le Petit ne] perçait [pas] sous Bonaparte » mais Métella avait déjà  percé dans une pièce, suivie du Brésilien, l’année suivante sous la plume légère des deux futurs librettistes de cette Vie parisienne qui recyclait avec bonheur des pièces des deux compères librettistes : les personnages, connus du public d’alors, vivaient ainsi de nouvelles aventures joyeuses et nous sont devenus familiers depuis, folklorisés dans le patrimoine populaire, sorte d’amis qu’on aime venir retrouver, même venus d’une époque lointaine où le monde et demi-monde était ce qu’on appela ensuite la Café society, un peu la Jet set d’aujourd’hui aux voyages et argent faciles : des fortunés.

    À notre actualité de #meetoo et autres justes revendications ou révoltes féminines, pas forcément féministes, de criminilisation hypocritement puritaine de la prostitution, supposée libre dans l’offre mais pénalisée dans la demande, il est plaisant de comparer le libertinage tarifaire officiel de cette époque-là, il est vrai déguisé de courtoisie et de bonnes manières, on le voit avec Métella, baisemain pour la baise. Ce XIXe siècle misogyne aimait et réprouvait les prostituées de haut ou bas étage, hétaïres, courtisanes, cocottes ou cocodettes, vouées au cocuage matrimonial d’époux en manque, nécessaire pendant pour pendards luxurieux au luxe moral de la chasteté forcée ou forcenée des épouses et des petites filles modèles, interdites de plaisir par la morale et religion. Bien que les demi-mondaines tarifées fussent souvent en concurrence avec les femmes du monde du Faubourg gratuites — relativement— comme le souligneront cyniques, ou désabusés, les deux galants héros, et pas moins dangereuses les unes que les autres, pour la santé… Mal du siècle : autant que la phtisie, la syphilis, transmise par les femmes, anonymes,  mais dont on ne parle que pour les hommes, et encore les célèbres, Schubert, Baudelaire, Flaubert, Feydeau, Gauguin, Maupassant, Nietzsche, Toulouse-Lautrec…

         Second Empire mais Argent premier, règne des hommes infidèles, subissant en apparence la loi de l’infidèle— ou justicière— Métella, dont les richards émoustillés d’un même monde, international, se passent l’adresse comme d’un bon coup, triomphante femme tirée à quatre épingles qui tire la sienne du jeu en faisant la reconquête de l’un de ses amants, Raoul de Gardefeu sinon du sidéré sérail masculin complet.
Il n’en reste pas moins que, derrière le rythme pétaradant et la mousse pétillante de la musique d’Offenbach et du livret de Meilhac et Halévy, c’est la satire joyeuse mais féroce de toute une société matérialiste, à satiété avide de nourritures terrestres (dîners toujours prêts, fêtes toujours apprêtées), une société repue qui en veut cyniquement pour son argent comme le Brésilien (« J’en aurai pour mon argent, je vous le jure ! ») ou le Baron suédois qui veut effrontément et grassement « s’en fourrer jusque-là ! », les femmes étant au menu, apéritif, plat de résistance ou dessert. Même si l’échec des berneurs bernés fait partie de la tradition bouffe sinon de la bouffe, la partie de dupes faisant partie du jeu aux dés pipés pour le Baron ou bourgeois gentilhomme : le snobisme est un strabisme qui fait prendre le demi-monde louche pour le grand monde à lorgnon, et tel est pris qui croyait avoir une bonne prise ; la chair est forcément chère et c’est sur l’autel du plumard qu’est fatalement plumé le pigeon. Mais, pleins aux as, ils s’en remettront. Ici, c’est le couple exotique, suédois, du Baron et Baronne de Gondremarck, venus passer du bon temps à Paris, chacun espérant tromper l’autre, qui sera abusé à son tour par un faux et facétieux cicérone, attrapé finalement lui-même comme un renard qu’une poule aurait pris.


Réalisation et interprétation
         Les costumes de la Maison Grout, comme toujours, son fastueux. Il faut rappeler que, pour doper économiquement la France, le Second Empire, sous l’impulsion de l’Impératrice Eugénie, fomenta une luxueuse industrie de la mode, imposant aux privilégiées invitées aux somptueuses fêtes de Compiègne ou Saint-Cloud, de changer de toilette plusieurs fois par jour. Les dames, mêmes cocottes cancannantes, n’ont plus de froufroutantes et affriolantes, suffocantes crinolines à grand renfort de baleines, de carcasses : libérées du carcan du corset, elles portent les robes souples à volants légers, sensuellement moulante pour l’une, un un ensemble élégant de Poiret comme Métella avant sa flamboyante robe finale. Les deux joyeux lurons, Bobinet et Gardefeu, arborent des gilets lit de vin assortis l’un à son chapeau, l’autre chapeau jouant avec les carreaux verts de sa veste.  

À juger par ces costumes, Nadine Duffaut, dans cette nouvelle mise en scène, déplace encore l’époque de   l‘œuvre de1866, apogée festif du Second Empire, à 1900, bref, après le désastre de 1870, après l’hécatombe de la Commune de 71 et avant le cataclysme de 1914. C’est donc une parenthèse historique heureuse, en pleine « Belle époque », en plein cœur du « Gai Paris », l’acmé sans doute du rayonnement universel de la capitale qu’on vient visiter « en masse » du monde entier : en témoignent le couple suédois, le Brésilien et d’autres voyageurs dans cette gare vaporeuse de fumée d’une belle locomotive, d’abord occupée par la foule des ouvriers et employés du rail. Moteur de l’action mais réalité historique : le Second Empire avait vu le tissage de toute la France par le réseau ferré ; les Grands Boulevards de Paris tracés par Haussmann, larges pour éviter les barricades comme en 1848, étaient aussi de grands axes reliant rapidement les grandes gares. Comme celle-ci, de l’ouest, vers Deauville, Trouville, autres lieux significatifs du jeu, du plaisir pour les riches, comme le deviendra Biarritz.

         La locomotive est une ingénieuse pièce de décor (Loran Martinel et Roland Coutareau), s’ouvrant par le milieu à vue, transformée en pièces ou salons des appartements respectifs de Gardefeu (avec chambre à cornes, hure de cerf pour le Baron) et Bobinet, grâce à de simples panneaux, ou en bar restaurant avec bouteilles.
         Mais, sorte de signature chez de Nadine Duffaut, si elle joue le jeu du burlesque chez ces richissimes bourgeois ou aristos, elle n’en oublie pas l’envers du décor de cette société replète et prospère : elle donne à voir, comme en contrepoint, derrière eux avant de passer un moment devant eux, les domestiques. Dans cette sorte de saturnales, fête romaine ou, pour un jour, les esclaves prenaient la place des maîtres, ils occuperont enfin le devant de la scène. En sorte que le travestissement bouffe des domestiques, le temps d’une soirée de dupes, est une sorte de compensation, de vengeance sociale mais qui en fait autant de Cendrillons vite renvoyées à leur condition première après avoir goûté, comme par effraction, les plaisirs et mets des patrons qu’ils auront singés.

Rythme scénique et rythme musical ne se courent pas l’un après l’autre mais marchent au même pas d’une joyeuse alacrité faisant se succéder ces rythmes entraînants de danses à 3/4 et 3/8, valses et tempos hispaniques au goût de l’Impératrice espagnole, battus tambour battant par Emmanuel Trenque, chef de chœur de l’Opéra, qui dirige ici l’Orchestre du théâtre de l’Odéon. Attaché à ce théâtre, le Chœur Phocéen, où l’on reconnaît par ailleurs d’excellents solistes, bien entraîné par Rémy Littolff, ne traîne pas dans sa vive présence scénique. Les six danseurs du Ballet de l’Opéra Grand Avignon, mis en danse par Éric Bélaud, apportent leur note, animant le bal du Brésilien d’acrobatiques chorégraphies cancanesques.

Tous les personnages sont incarnés joyeusement, même les plus éphémères par des familiers de cette scène ou de vieux routards du spectacle, tel le Gontran passager Michel Delfaud. On le sait, qu’il soit Alphonse ou Joseph, Antoine Bonelli n’a qu’à paraître et même avant ses quelques paroles d’un rôle parlé, les applaudissements de joie éclatent pour saluer sa ronde faconde présence. Sans être « Prosper, hop-là boum ! », Jacques Lemaire,  bien chéri de ces dames sur canapé, campe un valet stylé et stylisé, presque hystérisé dans ses aigus. On trouve avec étonnement et plaisir la basse Antoine Garcin en Alfred et Urbain domestique. Bonne surprise, Éric Huchet, est Frick, solide bottier au savoureux accent germanique mais, en Brésilien, on a le plaisir, malgré la vélocité du morceau, de comprendre toutes les paroles de son air fameux qui est, à son échelle, un allègre « Fin ch ‘an dal vino… » à la fois follement abusé et désabusé, amusé. Comme la plupart des personnages jouant ensuite un autre rôle travesti, il est un inénarrable Major de table gardant son tablier en cuir de bottier sous le grotesque déguisement à brandebourgs. En Baron de Gondremarck, Olivier Grand, affublé des fourrures d’un manteau et chapeau chapka à la mode nordique, déploie une large et puissante voix de baryton à la mesure de ses puissants appétits de plaisir et on le sent capable de dévorer la vie, surtout parisienne, par les deux bouts.

      Également barbés mais au poil, dégaine d’élégants godelureaux, gamins gredins grandis trop vite, s’entendant comme larrons en foire malgré une rivalité amoureuse vite surmontée, presque pareillement vêtus et même prestance, Rémy Mathieu et Samy Camps, voix plus claire le premier, un peu plus grave le second, incarnent avec un panache et charme égal les jeunes débauchés de bonne famille dont parlera Métella dans son air « À minuit commence la fête… », croquant allègrement la vie et sans doute leur héritage ou même la dot de leur sœur. Seule la bobine de Bobinet, nez chaussé de lunettes, semble les distinguer et leur connivence fait merveille.
     Pour les dames, on est aussi gâtés :  trois nièces à croquer, et craquer dans leurs robes d’emprunt trop serrées, Priscilla Beyrand, Lorrie Garcia, et Nelly Bois. Soubrette acidulée, la piquante Pauline de Carole Clin agace un peu les dents comme un fruit frais. Tout sourire et charme pour sa sombre voix mûre, Cécile Galois, joue joyeusement une crédible et juvénile Baronne.  Laurence Janot, par son physique racé et sa voix raffinée, son élégance, est une Métella aristocratique comme la Païva, courtisane, bigame, marquise, maîtresse aussi de l’Empereur. Il faut voir avec quelle désinvolture primesautière et hautaine, au bras de son dernier amant, elle feint de ne pas reconnaître les deux jeunes anciens : « Connais pas, connais pas… » Avec son port de reine et ses robes somptueuses, elle incarne bien la courtisane de haut vol de l’époque. Mais, passant de gantière à veuve et de veuve à séductrice lors du repas, dans la rapidité de cette version, Amélie Robins, enchaîne les airs comme un collier de perles de sa lumineuse voix, défendant son métier, évoquant le fétichisme du gant des beaux messieurs vieux verts à la retraite, le froufrou des robes et bruit des talons des trottins parisiennes, avec des cadences sur des aigus superbes. Mais il faut la voir d’abord, courroucée, arrogante et agressive gantière étrangleuse du malheureux bottier osant la défier, et avec l’accent alsacien contre l’accent allemand ! 
         Le plaisant ou drame de l’affaire, c’est qu’avec la Guerre de 70, la France perdait l’Alsace et la Lorraine, revendiquées par l’Allemagne comme anciennes terres d’Empire germaniques. Si, après la Guerre de 14/18 la France récupéra ces provinces dont les Alliés, les estimant allemandes, lui refusaient la dévolution, ce ne fut que grâce à l’Impératrice espagnole Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III, Empereur déchu : régente, elle avait supplié Guillaume II de ne pas les annexer et celui-ci lui avait répondu par une lettre qu’il ne les revendiquait pas comme allemandes, mais qu’il les annexait simplement comme « un glacis protecteur » contre son dangereux voisin. Cette lettre, remise par l’ex-Impératrice à la France républicaine en 1918, inclina les Alliés réticents à rendre les deux provinces à la France.  

La vie parisienne
de Jacques Offenbach
Marseille, Odéon,  24 et 25 février

Direction musicale : Emmanuel TRENQUE 
Mise en scène : Nadine DUFFAUT 
Assistant mise en scène : Sébastien OLIVEROS
Chorégraphie :  Éric BELAUD 
Décors : Loran MARTINEL et Roland COUTAREAU/.Costumes : Maison GROUT
Distribution :
Gabrielle : Amélie ROBINS 
Métella :  Laurence JANOT 
La Baronne de Gondremarck :Cécile GALOIS 
Pauline : Carole CLIN 
Les trois nièces : Priscilla BEYRAND, Lorrie GARCIA et Nelly BOIS 

Le Baron de Gondremarck : Olivier GRAND 
Bobinet : Rémy MATHIEU 
Raoul de Gardefeu : Samy CAMPS 
Frick / le Brésilien :  Eric HUCHET 
Prosper :Jacques LEMAIRE 
Alfred / Urbain Antoine GARCIN 
Alphonse / Joseph :Antoine BONELLI 
Gontran : Michel DELFAUD.
Orchestre de l’Odéon :  
Cécile JEANNENEY, Chantal RODIER, Yanmin KASER, Alexia RICHE-GUILHAUMON, Isabelle RIEU, Cathy BENOIST, Christine AUDIBERT, Nicolas PATRIS de BREUIL, Franck BARRÉ, Yannick CALLIER, Pierre NENTWIG, Sylvain PECOT, Soizic PATRIS de BREUIL, Mireille LOMBARD, Patrick SEGARD, Marc BOYER, Luc VALCKENAERE, Thierry AMIOT, Gérard OCCELLO, Yvelise GIRARD, Alexandre RÉGIS
Chœur Phocéen :
Saïda BOUACHRAOUI, Nadine D’ANGELO, Sabrina KILOULI, Davina KINT, Servane LOMBARD, Alexia MBASSE, Anne-Gaëlle PEYRO, Marion RYBAKA, Adrian AUTARD, Pierre-Olivier BERNARD, Laurent BŒUF, Angelo CITINITRI, Jacques FRESCHEL, Emmanuel GÉA, Damien RAUCH, Meng ZHANG
Chef de Chœur :  Rémy LITTOLFF
Danseurs :
Maud BOISSIÈRE, Noémie FERNANDES, Camille MERMET-LYAUDOZ, Anthony BEIGNARD, Sylvain BOUVIER, Alexis TRAISSAC
Photos : ©Christian Dresse :
1. Train ;
2. Les deux comparses, Gardefeu, Bobinet (Camps; Mathieu)
3.  Gontran, Métella entre Bobinet et Gardefeu ( Delfaud, Janot, Mathieu, Camps) ;
4. Baronne, Baron, Gardefeu (Galois, Grand, Camps) ;
5. Brésilien bien entouré (Huchet) ;
6. Altière gantière et bottier (Robins, Huchet) ;
7. Lettre à Métella (Janot, Camps) ;
8. Urbain et Prosper (Garcin, Lemaire) ;
9. Soubrette et valet (Clin, Garcin) ;
10. Trois cousins coquines sur Prosper (Beyrand, Garcia, Bois sur Lemaire) ;
11. Cancan.


 

 

dimanche, février 25, 2018

FOLIE DES HOMMES, FOLIE DES FEMMES


Enregistrement 22/2/2018, passage, semaine du 26/2/3/3/18
RADIO DIALOGUE RCF (Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE DE BENITO » N° 305
lundi : 18h45 ; mercredi : 20 h ; samedi : 17h30
Semaine 10

L’Opéra de Toulon présente les 9, 11 et 13 mars Lucia de Lammermoor de Gaetano Donizetti. C’est un opéra en trois actes de Gaetano Donizetti (1797-1848)  sur un livret de Salvadore Cammaranod’après le roman La Fiancée de Lammermoor de Walter Scott. Création : Naples, Teatro san Carlo, 26 septembre 1835. Cette œuvre est célèbre pour la scène finale de la folie, devenue un modèle du genre. Revenons un peu sur ce thème, même si je l’ai déjà traité. Le premier tiers du XIX e siècle, de l’Italie à la Russie, on semble se passionner, je dirais à la folie, sur la folie, dans la littérature (Rappelons Gogol, Le Journal d’un fou), le théâtre et l’opéra. Je reprends des arguments que j'avais avancé dans une émission sur le thème sur France-Culture.
La folie, des civilisations l'ont célébrée, d'autres marginalisée ; d'autres ont aussi tenté de la soigner, souvent par la musique comme David apaisant Saül en lui jouant de la cithare. Dans l’Antiquité, le fou était assimilé parfois au voyant ; au Moyen Âge, il passait pour l’envoyé de Dieu, ou du Diable : on était suspendu à sa bouche mais il débouchait souvent sur le bûcher quand c’était une femme, une sorcière évidemment. C’est le XVIIe siècle bourgeois « raisonnable », à vocation rationaliste qui, faisant de la folie le contraire de la raison, la décrétant déraison, en généralise l’enfermement dans des hospices, des asiles que l’on visite, faute de pouvoir les rentabiliser : Michel Foucault, dont on parle beaucoup en ce moment, a laissé des pages fondamentales sur le thème dans son ouvrage Histoire de la folie à l'âge classique (1954)
À cette époque, la folie devient spectacle, qui se danse, se peint, se chante, s’écrit : Folies d’EspagneNef des Fous.

Folie des hommes
Don Quichotte, dont une époque aveugle à sa générosité humaniste, ne voit pas la grandeur, est le fou qui fait rire plus que rêver l’Europe. Car la folie semble d’abord masculine : l’Orlando furioso de l’Arioste, mis en musique par Lully, Hændel, Vivaldi, Haydn, et des dizaines d’autres compositeurs, est aussi le modèle de l’héroïsme déchu. Xerxès, Serse, de Cavalli ou Hændel, et de tant d’autres sur le livret de Métastase, est un général et roi des Perses fou qui chante son amour à un platane dans le célèbre « Largo ». Ces fous d’amour, sont des héros, des chevaliers, des monarques, et il faut rappeler que même Tristan a son épisode de folie, « la folie Tristan », naturellement, le preux perd la raison pour les beaux yeux de la reine Iseult, épouse de son oncle, le roi Marc.
C’est donc peut-être parce que la folie semble un envers, ou un revers de l’héroïsme masculin, qu’il semble jusque-là dénié aux femmes. Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle et Mesmer, le célèbre magnétiseur, puis Ségur au début du XIXe, pour attirer l’attention sur le somnambulisme féminin : ce n’est pas encore la folie, mais l’on estime que cela lui ressemble.

Folie des femmes
La folie féminine est donc un thème déjà à la mode lorsque Walter Scott publie en 1819 son roman, The bride of Lammermoor , qui fait le tour de l’Europe, inspiré d’un fait réel, histoire écossaise du XVIIe siècle, de deux familles ennemies et de deux amoureux, autres Roméo et Juliette du nord, séparés par un injuste mariage qui finit mal puisque Lucy, faute d’épouser Edgar qu’elle aime et qui l’aime, lors de sa nuit de noces, poignarde le mari qu’on lui a imposé et sombre dans la folie.  Cependant, elle semblerait avoir des dispositions, disons des faiblesses mentales puisque la voici, attendant en secret son amoureux, la nuit, près d’un puits, prise d’hallucinations, croyant voir le spectre d’une femme assassinée par son amant, de la famille Ravenswood, celle de son aimé. Nous écoutons le début de l’air chanté par la Callas, accompagnée par Tulio Serafin à la tête du Maggio Fiorentino :

1) DISQUE I, PLAGE 3

         Cependant, Bellini avait ouvert le bal des héroïnes folles avec le Pirate  (1827), suivi de Donizetti et son Anna Bolena (1830) qui perd la raison avant de perdre la tête sur l’échafaud. Bellini persiste avec la Sonnambula (1831), I puritani (1835) et enfin Donizetti relève le défi avec sa Lucia di Lammermoor de la même année, qui en devient comme le modèle achevé. Mais la malheureuse Lucia a de quoi sombrer dans la folie. Son frère, interceptant toutes les lettres de son amant en exil, dont il a par ailleurs usurpé les domaines, lui impose  pour mari, pour renflouer ses finances,  un riche seigneur. Mais écoutons le malheureux Edgardo, croyant Lucia infidèle, chanté par Alfredo Kraus, acccompagné par le Royal Philharmonic Orchestra dirié par Nicolà Rescigno : 

2) DISQUE II , PLAGE 9
        
Le malheureux Edgar se suicidera en découvrant que Lucie, devenue folle a tué son mari durant se nuit de noces et s’est donné aussi la mort.
La scène de folie devient donc un genre, grande et longue scène entremêlée des commentaires des chœurs, avec d’abord une partie lente et douce dans les grandes arabesques, puis la cabalette avec toute une folle pyrotechnie vocale, grands écarts, notes piquées, trillées, gammes montantes, descendantes, etc. En voici un extrait chanté par Nathalie Dessay, l’orchestre de l’Opéra de Lyon dirigé par Evelino Pidó, dans la version française de Donizetti lui-même. Peut-être n’est-il pas indifférent de rappeler que, juste avant sa mort, Donizetti fut enfermé dans un asile d’aliénés à Ivry. Mais écoutons sa célèbre héroïne :

3) DISQUE III PLAGE 1

Opéra de Toulon présente les 9, 11 et 13 mars Lucia de Lammermoor de Gaetano Donizetti.


operadetoulon.fr


72€ / 54€ / 29€ / 19€ / 9€
Tarifs réduits : Groupe de 10 pers. minimum, comité d’entreprise, abonné, titulaire de la carte Opéra, demandeur d’emploi, allocataire du RSA, accompagnateur d’un passeport jeune ou d’une personne titulaire d’une carte d’invalidité
Personne titulaire d’une carte d’invalidité : 15€ Jeune (étudiant – de 26 ans) : 37€ / 27€ / 9€ / 5€


Baltasar Gracián, repris par La Rochefoucauld : "Sans un grain de folie, la sagesse n’est pas si sage que cela." In Art et Figures du succès, Poche point.

Lacan :  "N’est pas fou qui veut."


mercredi, février 21, 2018

MUSIQUE D'HIER POUR AUJOURD'HUI


Enregistrement 1/2/2018, passage, semaine du 19/2/18

RADIO DIALOGUE RCF (Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)

« LE BLOG-NOTE DE BENITO » N° 304

lundi : 18h15 ;  mercredi : 20 h ; samedi : 17h30

Semaine 8

Voici un disque plein de charme. Il n’est pas exactement nouveau, il a un an,  mais, s’agissant de musique du Moyen-Âge, pour être exact, du XIIIe siècle, il n’est pas d’actualité brûlante et, par ailleurs, étant consacré à Louis IX, autrement dit saint Louis, on peut, sans plaisanter, dire qu’il défie l’éternité. Il s’agit donc de Saint Louis - Chroniques et musiques du XIIIe siècle, par l’Ensemble Vocal de Notre-Dame de Paris sous la direction de Sylvain Dieudonné, édité par la Maîtrise Notre-Dame de Paris, 2016.
Tout le monde a dans l’œil une image de Notre-Dame, l’un des plus anciens emblèmes de Paris. Or, Sylvain Dieudonné, avec son Ensemble Vocal de Notre-Dame et leurs remarquables enregistrements, semble, patiemment et passionnément, brosser pour nos oreilles le paysage musical médiéval autour de la cathédrale. En effet, alors même qu’en 1163 on posait les premières pierres de l’immense édifice, construit en deux siècles, naissait parallèlement ce qu’on appellera l’École musicale de Notre-Dame de Paris et ses complexes polyphonies de voix multiples tressées, entrecroisées, dans lesquelles il n’est pas interdit de voir une image sonore des croisées d’ogive de l’architecture même de ce style gothique en ses débuts, qui évoluera jusqu’à l’efflorescence de son plus virtuose achèvement du gothique flamboyant. Après une riche exploration du thème marial pour le jubilé de Notre-Dame, qui célébrait ses 850 ans en 2013, ce disque est construit autour de la figure de Louis IX, autrement dit, saint Louis.
Le roi naquit en 1214 et mourut à Tunis en 1270 lors de sa seconde croisade, la huitième pour l'Histoire. Élevé très rigoureusement par sa mère, la très pieuse Blanche de Castille, Louis en hérita la piété, fit construire églises, abbayes et hospices, mais aussi le collège de la Sorbonne, qui aura une grande influence culturelle. De manière assez rocambolesque, il réussit à acheter à des Byzantins en mal d’argent, des supposées reliques de la Passion qui étaient à Constantinople et que les Vénitiens comptaient acquérir, la Couronne d’épines, un bout de la vraie Croix, l’éponge. Pour les avoir à disposition, mais habile politique pour asseoir son pouvoir royal sur le divin, il fait construire la magnifique Sainte-Chapelle, un véritable reliquaire de pierre, en 1242. Il fut un grand réformateur, notamment de la justice (on le représente populairement la rendant sous un chêne) mais il réglementa aussi des lieux de prostitution, les bordels tenus par des laïcs ou des religieux. Connu pour sa religiosité, il tenta même de convertir à la foi chrétienne des princes mongols lors de l’une de ses croisades, pensant se les rallier pour combattre les sarrasins.  Cependant, il persécuta les juifs tout en les protégeant dans certains cas, et fut impitoyable contre les derniers cathares de Languedoc : après la prise de Montségur en 1244, deux-cent-vingt hommes et femmes qui refusèrent d’abjurer leur foi furent condamnés sur le même bûcher, sur le fameux Prats dels cremats. Il fut canonisé très vite, en 1297. Mais écoutons d’abord cet extrait parlé sur la naissance et le baptême de saint Louis :
1) PLAGE 2
C’est un très bref récit tiré du Livre des saintes paroles et des bons faiz de nostre saint roy Looÿs, appelé aujourd’hui la Vie de saint Louis, rédigé par Jean, Sire de Joinville qui fut un de ses proches compagnons de la septième croisade. On trouve aussi un extrait de la Grande chronique de France anonyme et de Vie et miracles de Saint Louis de Guillaume de Saint-Pathus. C’est l’un des plaisirs de ce disque que ces courts récits en ancien français à l’accent reconstitué, qui ponctuent ce panorama, les grandes étapes de la vie de Louis IX, de sa naissance à sa mort, en passant par son éducation, son couronnement, son mariage, la vie à la cour, sa dévotion mariale, ses deux croisades malheureuses jusqu’à sa mort puis, sa mémoire et le culte de saint Louis. C’est le prétexte historique à ce vaste paysage, à ce voyage musical et poétique dans son temps.
    Voici un autre exemple, une chanson mariale, ‘on doit honorer la Mère de Dieu’ :
2) PLAGE 6 
Charme aussi de ces instruments anciens : une vièle médiévale à archet, des flûtes, un cornet, une harpe gothique et des percussions, musique nappée souvent de cordes. On goûte aussi le mélange d’œuvres profanes et de pièces qu’on dirait aujourd’hui purement religieuses, notion de pureté contemporaine, anachronique, mais qui n’existait pas en ce temps-là, la même musique pouvant avoir de pieuses paroles pour l’intérieur de l’église, et aussi un texte parfaitement laïque, plus que profane, même libertin, pour l’extérieur, tant religion et vie courante étaient mêlées. Ce n’est que la distance et l’indifférence aujourd’hui au religieux qui lui donne une sacralité respectueuse autant que distante. Écoutons cette chanson d’amour :
3) PLAGE 13
Précédée de quelques lignes de Joinville sur la mort du roi à Tunis, la chanson de croisade est un long poème épique en strophes de dix vers heptasyllabiques, de sept pieds, avec deux rimes embrassées uniformes par laisse (strophes), sur laquelle nous quittons ce disque si élaboré et si captivant :
4) PLAGE 24  
  Saint Louis - Chroniques et musiques du XIIIe siècle, par l’Ensemble Vocal de Notre-Dame de Paris sous la direction de Sylvain Dieudonné, édité par la Maîtrise Notre-Dame de Paris,





IMAGES MUETTES, VOIX PARLANTES

Les Voix Animées ont le plaisir d'être invitées
dans le cadre du festival 
« Grandes Musiques pour Petites Oreilles »
organisé par l'Ensemble Télémaque !

Ce week-end, à Marseille,
ne manquez pas les 
deux représentations
du CINÉ-CONCERT
 « Charlot, Octave & Bobine »

***
Samedi 24 février à 16h30
Cinéma l'Alhambra

***
Dimanche 25 février à 16h30
Château de la Buzine
Prochains concerts des Voix Animées du 6 au 8 avril 2018,
pour la venue à Toulon de L’Hermione, frégate de la liberté.
En partenariat avec le Conservatoire Toulon Provence Méditerranée.


***
Toutes les infos sur : www.lesvoixanimees.com
CINÉ-CONCERT « CHARLOT, OCTAVE & BOBINE »
4 voix a cappella
Musique & Cinéma
Sur la toile, l'inoubliable Charlot, figure incontournable de l'histoire du cinéma ! Au pied de l'écran, sur des musiques de Bach à Verdi, des frères Jacques à Charles Chaplin..., Les Voix Animées accompagnent en direct, a cappella, les acrobaties du génial petit bonhomme : une véritable performance vocale, rythmée, et drôlement virtuose !
« Charlot, Octave & Bobine », un spectacle étourdissant, poétique et ludique, qui invite le jeune public à voyager au début du XXe siècle, à prendre conscience qu'au temps du cinéma muet, les films étaient accompagnés en direct par des musiciens... et à (re)découvrir de nombreux thèmes essentiels de notre patrimoine musical !

* La musique :
Mélodies, ritournelles, onomatopées, bruitages... Les Voix Animées habillent et ornementent en direct deux courts métrages burlesques de Chaplin. Plus qu’un accompagnement sonore et musical, le pari de ce spectacle est de faire cohabiter simultanément deux formes de création et de donner à voir les films bien sûr, mais aussi les artisans de leur « bande son » jouée en direct. Ce spectacle, où les chanteurs bruitistes et l’inoubliable Charlot prennent tour à tour le devant de la scène, réunit musique et cinéma en un ballet d’ombres et de lumières.
Musiques de Bach, Brahms, Verdi, Chaplin, Scott Joplin, Les Frères Jacques...

* Les films :
CHARLOT S’ÉVADE (THE ADVENTURER) - USA - 26 MIN.
Avec Charles Chaplin, Edna Purviance

CHARLOT POLICEMAN (EASY STREET) - USA - 26 MIN.
Avec Charles Chaplin, Edna Purviance


Samedi 24 février à 16h30
Cinéma l'Alhambra 2 rue du Cinéma, 13006 Marseille

Dimanche 25 février à 16h30
Château de la Buzine 56 Traverse de la Buzine, 13011 Marseille

Informations / réservations :
 04 91 43 10 46 info@ensemble-telemaque.com
www.ensemble-telemaque.com

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