Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

L'auteur

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

samedi, juillet 27, 2013

ANNONCE


Association : “les Voix du Lyrique“
14 avenue Emile Vincent 83000 Toulon.
Tel : 04.94.41.43.39.
Mail :lvdl@lesvoixdulyrique.fr

BEAU SUCCÈS L'AN DERNIER AVEC LE PREMIER PAS, LE PASSAGE À L'ACTE, LE COUP D'ESSAI COUP DE MAÎTRE MUSICAL ET VOCAL DE CE TOUT NOUVEAU FESTIVAL AVEC LA MIREILLE DE GOUNOD (voir dans ce blog la critique le 9 août 2012).
ANNÉE VERDI OBLIGE, LES ORGANISATEURS ONT CHOISI, AVEC LEUR ÉQUIPE,DE MONTER LA TRAVIATA, L'UN DES OPÉRAS LES PLUS IMMÉDIATEMENT BOULEVERSANTS DU MAÎTRE : LES AIRS, MIRACULEUSEMENT CHANTANTS, S'ENCHAÎNENT LES UNS AUX AUTRES, AU SERVICE  DE L'ÉMOTION, DU DRAME DE CETTE DAME AUX CAMÉLIAS, COURTISANE SACRIFIÉE À L'AMOUR SUR L'AUTEL DES CONVENANCES ET INTÉRÊTS BOURGEOIS. DANS LE CADRE ENCHANTEUR DE THÉÂTRES DE VERDURE.
L'opéra est donné dans son intégralité avec orchestre, solistes professionnels et chœurs de la région PACA, en costumes et mise en scène. Soit plus de 90 artistes sous le ciel et les étoiles de Provence. Un erendez-vous annuel à ne pas manquer.

  • Le 8 août 2013 au théâtre de verdure de Gémenos.
  • Le 10 août 2013 au Château Margillière de Brignoles.
  • Le 13 août 2013 au théâtre de verdure du Lavandou
Les spectacles seront tous à 21h15 et un jour de report (le lendemain même heure) est prévu en cas de mauvais temps. (Voir conditions générales de vente sur le site www.lesvoixdulyrique.com

Tarif billetterie :
Dans un souci de fidélisation et surtout pour ouvrir l’accès au plus grand nombre, le prix de la place tarif unique sera de 27,00 Euro (commission billetteries comprise).
Billetterie sur les points de ventes habituels : Fnac, Carrefour, Auchan, Leclerc, Super U, Virgin…
Et sur internet : www.ticketnet.fr ou www.francebillet.fr
Sur notre site : www.lesvoixdulyrique.fr
Les offices de tourisme.

ANNONCE


vendredi, juillet 26, 2013

FESTIVAL


FESTIVAL INTERNATIONAL DE LA ROQUE D'ANTHÉRON
Trente-trois ans de Festival international de Piano de la Roque d’Anthéron, un mois de plein piano dans le plein de l'été : 20 juillet/ 20 août 2013. Il bat son plein et le cœur bat la chamade de ce programme riche, varié programme et, désormais, en lieux.

Répétons-le, réduire le Festival de Piano de La Roque d’Anthéron à quelques feuillets, c’est résumer la forêt à un arbre et l’arbre à une feuille : près d'une centaine de concerts en un mois, plus de 400 artistes ; le clavier dans tous états, du clavecin au piano-forte en passant par l’orgue et l’organe vocal de chœurs, le jazz, les ensembles concertants, symphoniques… L’aristocratie mondiale du clavier démocratiquement offerte en un éventail qui embrasse de la musique baroque à la contemporaine en divers lieux, mais une atmosphère unique pour des lieux variés.
Conque acoutique
Gradins vus de la scène



D’abord, le berceau : le Parc du Château de Florans et ses 365 platanes : le doigté, le tact végétal de la nature en écho visuel à la touche délicate du piano. Avec l'ombre avancée, les cigales mettent une progressive sourdine au profit des grenouilles des fontaines et les oiseaux, étonnés, entonnent des chants nouveaux pour le jour tout neuf des projecteurs.


La Roque a essaimé dans deux lieux tout aussi naturels : les carrières de Rognes où règne le jazz et l’Etang des Aulnes, qui se niche dans un creux de la Crau, à Saint-Martin : la pierre dorée et l’eau argentée.

Ce sont les trois points cardinaux de ce festival qui a aussi d’autres lieux dans les villages provençaux d’alentour, Lourmarin, Cucuron, Lambesc, Saint-Cannat, Mimet, Gordes, Aix-en-Provence, et désormais, Marseille, la Criée (qui a accueilli le 24 juillet à 18h30, Bach et Cage, Francesco Tristano au piano, avec le danseur japonais Saburo Teshigawara, musique classique et dans contemporaine) et, le lendemain, le 25, encore à la Criée, la pianiste chinoise Zhu Xiao-Mei, pour un récital Couperin, Scarlatti, Bach et Mozart, à 21 heures. En attendant, le samedi 27, Gregory Sokolov dans un récital Schubert et Beethoven. 
Gregory Sokolov

Sokolov, la tendresse du roc
Et, ce 28, on croit encore avoir rêvé après ce concert qui défie la parole, qui exigerait le silence de stupéfaction, de la bouché bée, de tout en dire en ne disant mot sauf aux applaudissements, tant la salle comble de la Criée n'a eu qu'un seul cri d'admiration pour saluer ce grand bonhomme qui entre en scène, salue à peine, s'assied au piano et se met à jouer et repartira toujours, entre les parties, avec un bref salut de la tête, sans solliciter des bravos qui fusent automatiquement d'un public éperdu et bouleversé. Les Quatre impromptus opus 90 (D. 899) de Schubert sont distillés, adoucis ou intensifiés de beethovénienne façon, de la caresse à la cravache avec un sens de la clarté, une évidence audible qui en font une redécouverte. Même sentiment d'immédiateté pour une interprétation pourtant si pensée, si construite des Trois Klavierstücke (D. 946). La démesure de la Sonate N°29 en si bémol majeur opus 106, "Hammerklavier" de Beethoven semble trouver sa mesure avec ce maître qui maîtrise magistralement cette œuvre : cinquante minutes sans faille, à défaillir on ne sait plus si d'admiration technique, intellectuelle ou affective. Le grand pianiste semble aussi dans un rêve : on comprend qu'il a malgré tout conscience de la salle à la générosité sans étalage avec laquelle il la récompense par une série brillantissime de bis : après ce programme monstrueux, avec une fraîcheur toute juvénile, il enchaîne sans temps mort six bis, cinq morceaux du XVIIIe siècle, perlés de trilles ailés, d'appogiatures, de traits gracieux semblant couler de source, Scarlatti (?) Couperin, Bach, Rameau… comme pour se reposer et finir par un pathos de Brahms bouleversant. Oui, on pourra dire avec étonnement et bonheur : "J'y étais".

L. Ferrari
Renaud Capuçon

Marseille est encore gâtée puisque l'Opéra accueillera le 13 août un concert exceptionnel du grand Daniel Baremboïm et son orchestre West-Estern Divan au programme Verdi et Berlioz, avec le label MP13. Cet orchestre, qui a son siège à Séville, est né en 1999 de l'initiative de Daniel Baremboïm, pianiste et chef d'orchestre israélo-argentin et de l'écrivain chrétien américano-palestinien Eward Saïd, un désir de promouvoir,par la musique, l'harmonie, la paix entre ces peuples tragiquement affrontés du Moyen-Orient. Il réunie 80 jeunes musiciens israéliens et arabes des pays voisins mais ennemis, Israël, Syrie, Liban, Jordanie, Égypte. Son nom, Divan, vient du recueil de Gœthe West-österlicher Divan, 'Divan occidental-oriental', qui rêvait justement d'harmonie dans ces régions.
A. Queffélec

Y.  Queffélec
Ashkenazy, Cassard, Duchâble, Engerer, Keffelec, Planès, Pennetier, Lupu, Richter, Ciccolini, qui y fêta il y a deux ans son 85 e anniversaire, Rigutto, Berezovsky, Lugansky, Magaloff, Sokolov, Pires, Volodos, Freire. Bref, etc, tout le gotha du piano mondial, mais fraternellement ou paternellement ouvert aux jeunes talents : on n’oubliera pas ceux dont les arbres du parc virent les premiers pas ou presque, telle la toute jeunette alors Hélène Grimaud, Angelich, et aujourd’hui Neuburger et autres : car la constellation d’étoiles de premières grandeur du firmament confirmé, s’enrichit chaque année de 30% de jeunes, débutants ou presque, auxquels le festival donne une chance d’envol, d’essor, avec près de cent concerts dont la moitié inédits et des résidences… 
Qui aurait dit, des premiers 300 spectateurs des concerts du début, qu’ils seraient, quelque trois décennies plus tard, presque 300 fois plus nombreux ? Ni René Martin, le directeur artistique (créateur aussi de la Folle journées de Nantes et autres lieux du monde et de désormais rituelle « Folle Criée » à Marseille), ni feu Paul Onoratini, fondateurs, ne pouvaient imaginer l’évidence d’un tel succès, dont Jean-Pierre et Michel Onoratini, présidents aujourd’hui, se réjouissent tout en veillant jalousement à garder l’esprit, le génie du lieu, agrandi mais non grossi ni alourdi, qui garde, malgré sa jauge désormais de 2000 places, un caractère intime et bon enfant avec ses bénévoles heureux d’accueillir ce public large et varié.
N. Freire
Ce festival intime et grandiose est fidèle à sa vocation première, fièrement républicaine : un art d’élite pour tous. D’ailleurs, les pelouses du parc, fleuries de nappes, de paniers de pique-nique avant les concerts, donnent à ce festival, il faut le redire, un petit air de Glyndebourne populaire, ce fameux festival anglais où, à l’inverse, ce sont les Rolls-Royce qui débarquent, avec des valets de pied en grand apparat, la gentry britannique pour banqueter sur riches nappes blanches et candélabres d’argent, avant d’aller entendre la musique. À la Roque, concerts pour tous les goûts et toutes les heures, parfois dès 16 heures selon le lieu, et les fameuses désormais Nuits du piano à thème finissant après minuit : toute la littérature du piano servie par d’illustres noms qui voisinent donc avec des jeunes prometteurs. 
 Notons désormais l'alliance de texte et musique dans certains concerts, récitant et pianiste, instrumentiste, ainsi, ce 23 juillet, sur le parvis de l'église de Lambesc, Renaud Capuçon, violon, Jérôme Ducros, piano et l'Histoire de Babar de Poulenc, par la voix de Laurence Ferrari. Le 31 juillet, même lieu, l'adorable Anne Quéffelec, avec, pour récitant, son frère l'écrivain Yann Queffelec, nous ferons voguer, naviguer, vagabonder, sur les ondes de textes musicaux et littéraires avec leur programme En musique en mer. on se laissera aisément embarquer par ces deux charmeurs talentueux.
L. Fernando Pérez


Parmi les grands aînés, on a entendu Arcadi Volodos le 23 juillet, 21h 30 au Parc de Florans pour un concert Schubert, Schumann, Brahms, et l'on retrouvera, le 20 août, à 21 heures, le toujours souriant et affable Brésilien Nelson Freire, dans un récital consacré à Mozart, Chopin et Brahms. Nous recommandons ici son disque Decca intitulé justement Brasileiro, 'Brésilien', consacré à des musiciens de son pays, rythmes, couleurs au rendez-vous, mais aussi « saudade », 'nostalgie'. 

Le jazz, et la musique électronique, nichent aux carrières de Rognes, le le clavecin, à l’Abbaye de Silvacane, et le temple de Lourmarin abritera une Journée Scarlatti. Le Festival international de Piano de La Roque d’Anthéron, c’est aussi la musique à la rencontre d’autres arts, la peinture avec, au Musée Granet, un hommage à Chagall exposé actuellement au Musée du Luxembourg.
Un autre habitué du festival, Luis Fernando Pérez, qui y a fait ses grands débuts, revient avec l'intégrale d'Iberia d'Albéniz, œuvre dont la difficulté extrême qui n'a d'égale que sa couleur et sa saveur. Il faut signaler cette musique dans son disque Verso, Iberia et Navarra, qui fut salué par la grande Alicia de Larrocha qui trouve en lui un digne héritier musical.


Festival de Piano - Parc du Château de Florans, 13640 La Roque d’Anthéron

Tél : 04 42 50 51 15 - Télécopie : 04 42 50 46 95

e-mail : info@festival-piano.com

Programme détaillé sur : http://www.festival-piano.com/

Photos presse du festival :

mercredi, juillet 24, 2013

mardi, juillet 23, 2013

OPERAAUVILLAGE



COUVENT DES MINIMES,

POURRIÈRES, 16 JUILLET



CRÉATION, RECRÉATION, RÉCRÉATION 
Don Quichotte et Sancho

d’après Florimond Ronger dit Hervé

et

Don Quichotte, berger

ou la nouvelle Arcadie

Livret de Florimond Ronger dit Hervé

Musique de Jean-Michel Bossini


Loin des fastes néfastes de MP13, dont les lumières trop vives laissent crûment dans l’ombre nombre de manifestations qui mériteraient un éclairage digne d’elles, le festival l’Opérauvillage de Pourrières organisé par des bénévoles du lieu, dans l’apaisement en douceur de la ligne de crête de la Sainte-Victoire, au creux du petit couvent des Minimes, pierres décroûtées caramel et pain d’épice, à l’abri du délicieux petit cloître auquel une seule branche de marronnier est parasol et dais végétal, poursuit son petit bonhomme de  grand chemin.
Sur le charme du lieu, de ce rituel dîner convivial à thématique culinaire en rapport avec le spectacle, mitonné par les bénévoles du village, dégusté sous les vénérables marronniers et accompagné des vins du terroir offerts par les vignerons du cru, on se reportera dans ce même blog aux dates où j’en ai rendu compte (4/8/2008, 26/7/ 2009, 23/7/ 2010,  26/7/ 2012). On s’y retrouve avec un plaisir jusqu’ici jamais trahi.
Fort d’une équipe solide et soudée pour la réussite par un compagnonnage généreux, après nous avoir habitués à des productions originales, loin des sentiers battus, en exhumant des œuvres lyriques inconnues, méconnues (rappelons Cendrillon de Pauline Viardot, Djamileh de Bizet, Philémon et Baucis de Gounod, etc), l’Opérauvillage se paie le luxe de nous offrir du même coup, une création et une recréation, sympathique et heureuse récréation musicale.


L’œuvre, les œuvres
Qu’est-ce qui est mieux qu’une opérette ? Deux : une moderne, Don Quichotte berger ou la nouvelle Arcadie enchâssant joliment l’ancienne Don Quichotte et Sancho (1847) de Florimond Ronger dit Hervé (1825 – 1892). De ce dernier, auteur d’une bonne centaine d’opérettes, on a presque tout oublié malheureusement (sauf sa tardive Mam’zelle Nitouche de 1883) mais les organisateurs de Pourrières nous  rafraîchissent la mémoire avec cette œuvre et nous apprennent qu’à l’hôpital, il avait pu monter une pièce avec les médecins et les malades, l’Opéra de Bicêtre, belle anticipation de la musicothérapie, de l’art thérapie timidement en vogue aujourd’hui. Son Don Quichotte et Sancho eut un joli succès mais fut balayé par la proche révolution de 1848.

Ce serait, nous dit-on, la première opérette mais ce serait se contenter d’un regard franco-français puisque ce genre court, en un acte, mêlant paroles et chant sur une intrigue bouffonne existait déjà depuis plus d’un siècle et demi en Espagne, appelée la tonadilla escénica, elle-même dérivée des sainetes, intermèdes musicaux du théâtre et de la zarzuela baroques (ayant donné dans la  Naples encore espagnole l’opera buffa), d’où dérive d’ailleurs le mot « saynète » qui définit cette œuvre.

D’autre part, les chercheurs érudits de l’équipe, en fouinant avec bonheur dans les documents du fonds Hervé de la bibliothèque de l’Opéra, ont trouvé, entre autres, un livret d’Hervé, complet, mais jamais mis en musique. Ils ont eu la bonne idée d’en confier la musique au compositeur Jean-Michel Bossini, qui signe par ailleurs la subtile adaptation, pour un effectif instrumental léger, un septuor, de la masse orchestrale de l’opérette complète d’Hervé, Don Quichotte et Sancho.

Le livret retrouvé, Don Quichotte berger ou la nouvelle Arcadie est également une saynète en un acte, d’après l’épisode pastoral du roman original, le moment où le héros, non pas lassé de la chevalerie, mais comme un complément littéraire, la bergerie étant le pendant lyrique du roman épique de chevalerie, envisage de se faire berger, le berger Quichottis. C’est le prétexte pour la célèbre tirade utopique du retour au mythique Âge d’Or de l’humanité, magnifique discours où Cervantès, par la voix de son héros si généreusement humain, exprime son rêve humaniste, humanitaire, que n’auraient pas désavoué les premiers socialistes saint-simoniens de la Révolution de 1848, rêveurs de la fraternité universelle.

Les deux livrets d’Hervé, même dans leur condensation, manifestent sa connaissance profonde de cette œuvre qui ne passait pas encore pour le premier roman de la modernité (Gustave Doré et ses gravures n’est pas loin), seules ses graphies de certains personnages étant inexactes : Tereza au lieu de Teresa pour la paysanne, idéalisée en Dulcinée par le chevalier, Carasco au lieu de Carrasco, péchés véniels en regard de sa langue exacte et bien venue, fleurie de quelques jeux de mots plus ou moins gros. Sa musique est charmante, coule avec aisance, grâce souvent. 


Réalisation et interprétation
L’adaptation de Jean-Michel Bossini est respectueuse de l’original, habile musicalement, efficace. Quant à sa propre musique sur le second livret d’Hervé, il a le bon goût, l’élégance de n’en pas faire une machine à écraser son prédécesseur : elle est moderne, d’aujourd’hui, mais sans outrance, et l’on doit même lui reconnaître le mérite de ne pas créer une solution de continuité entre les deux qui soulignerait grossièrement les coutures entre la musique et le texte originaux d’Hervé et celui qu’il met personnellement en musique. Il a de belles trouvailles comme ces bêlements de moutons de l’Arcadie qui se souviennent peut-être de l’instrumentation humoristique par Mozart de tel passage pastoral du Messie de Händel. Il a joliment servi son septuor d’instrumentistes tous à louer. Ses mélodies sont agréables, bien chantantes.

Là où la bât (de l’âne invisible mais audible de Sancho) blesse, c’est le traitement qu’il inflige aux chanteurs, les forçant, de son propre aveu, à des tessitures extrêmes pour leurs voix. Ainsi, on peut déjà trouver étonnante la silhouette longiligne d’un Sancho rond et mangeur qui répondrait plutôt à celui du Chevalier à la Triste Figure, mais en faire une voix suraiguë et détonante en la confiant à un contre-ténor (Bernard Dazin) qui n’est plus ni contre ni ténor par la partition qui lui est confiée, contraint à des sauts, à des cris, des criailleries souvent pénibles quel que soit son talent réel d’acteur, est bien arbitraire, et, dans la méconnaissance de la partition d’Hervé, même en admettant la liberté absolue de toute œuvre par rapport au modèle, l’on ne parlera pas du contresens hispanique puisque, dans l’Espagne du Siècle d’Or, on méprisait les voix aiguës et nasales françaises dont on disait qu’elles étaient plus de poule que de coq gaulois.
 Cela accuse artificiellement le contraste recherché par Bossini avec ce Don Quichotte trop jeune et beau (François Echassoux), confiné dans des graves trop bas pour sa pourtant belle voix de basse, sans même en appeler au texte où Sancho se « quichottise » clairement, assumant l’idéologie chevaleresque de son maître, tout comme Leporello et Don Giovanni deviennent vocalement identiques. Même traitement infligé à l’autre basse, Nika Guliashvili en Sansón Carrasco,  réduit à sa corde la plus grave, la moins timbrée, celle qui passe le plus difficilement la rampe même dans cet espace réduit. Le baryton Denis Mignien (Núñez) s’en tire un peu mieux encore que l’imposition à tous ces chanteurs de notes en voix de tête à partir de ces graves trop lourds donne des sons approximatifs et les faussets sonnent forcément faux. Anouschka Lara (Juanita), soprano léger mais encore trop sollicitée dans des aigus, tire son épingle du jeu et la mezzo Patricia Schnell, en accorte Teresa/Dulcinée, a plus de chance avec une partition plus propice à son timbre rond et charnu et ce confort lui laisse plus d’aisance dans la théâtralité. Car l’insécurité des chanteurs leur cause une incertitude vocale qui corsète leur jeu et, malheureusement, le public leur attribue des manques qui semblent n’être que le résultat du trop-plein de difficultés imposées inutilement par le compositeur. Mais on apprécie la précision qu’il apporte à la direction musicale des deux œuvres.

Du moins à cette première, toujours angoissante, le jeu sans doute souple de Bernard Grimonet dans sa mise en scène, à la juste gestique, se ressent un peu de ces contraintes. On goûte les jolies trouvailles, l’action située à Pourrières même (après tout, un chevalier errant se déplace !) avec en fond, sous les arcades de la scène, la ligne bleue abstraite de Sainte-Victoire, la fontaine pyramidale du village commémorant la victoire de Marius sur tes Teutons (Pourrières tirerait son nom du charnier où pourrirent les corps des barbares vaincus) qui s’ouvre en trône et dais seigneurial pour le seigneur (scénographie de Jean de Gaspary), le long licou de l’âne invisible de Sancho, le petit mouton à roulettes de l’Arcadie. Les costumes, comme les décors, comme toujours confiés à des gens du village, sont beaux, joyeux, joliment stylisés à l’espagnole, et aussi frais que ce petit chœur et ce spectacle à la fois modeste et ambitieux, qui mériterait bien de tourner.

Pourrières, l’Opéraavillage
Couvent des Minimes, 700 chemin de la santé
83910 Pourrières, 16, 18, 20, 22, 24 juillet 2013
Don Quichotte et Sancho
d’après Florimond Ronger dit Hervé, adaptation Jean-Michel Bossini,
Don Quichotte berger ou la nouvelle Arcadie,
livret d’Hervé, musique de Jean-Michel Bossini , création
.
Direction musicale,  Jean-Michel Bossini ; direction d’artistes, Luc Coadou ; mise en scène, Bernard Grimonet ; scénographie, Jean de Gaspary ; arrangement, Frédéric Carenco ; régie lumière : Sylvie Maestro.

Distribution :
Don Quichotte :  François Echassoux ; Sancho : Bertrand Dazin ; Juanita : Anouschka Lara ; Núñez :  Denis Mignien ; Teresa/Dulcinée :  Patricia Schnell ; Carrasco : Nika Guliashvili.
Chœur :  Emilie Cavallo, Eymeric Mosca,Michael Paparone, Laura Stamboulis.
Septuor instrumental : Stéphanie Perin (alto) ; Sarah Friedmann (violon) ; Virginie Bertazzon (violoncelle) ; Jean Bernard Rière (contrebasse) ; Aurélia Céroni (clarinette basse) ; Marilyn Pongy (cor) ; Isabelle Terjan (piano).

Tél : 06 98 31 42 06

Photos : Bernard Grimonet (CLIQUER SUR LES PHOTOS POUR LES AGRANDIR):
1. Le berger Quichottis plaidant pour le retour à l’Âge d’Or ;
2. Don Quichotte et Sancho : François Echassoux,  Bertrand Dazin ;
3. Saluts.

mardi, juillet 16, 2013

LE VAISSEAU FANTÔME



DE LA LÉGENDE DU VAISSEAU FANTÔME À UN VAISSEAU FANTÔME DE LÉGENDE
Der fliegende Holländer
Opéra de Richard Wagner
Chorégies d'Orange, 12 juillet

Deux représentions prévues réduites à une seule faute de réservations suffisantes pour éviter le naufrage financier du gigantesque vaisseau du théâtre antique d'Orange : une unique soirée, mais exceptionnelle par la qualité de la production sinon la quantité désirable du public. Que manque-t-il à cet opéra de Wagner pour être populaire ? Rien, à y bien regarder, sinon cette sotte légende noire d'œuvre difficile, dont il faudra bien un jour couper les amarres pour le laisser voguer sur la mer de la popularité en nos contrées frileuses même en été. Peut-être un effort d'explicitation d'un livret en allemand en vérité guère moins compréhensible que ceux en italien guère plus compris par la majorité des spectateurs.
De coupe encore traditionnelle, l'opéra a des airs facilement mémorables (couplets du marin, ballade de Senta, marche de Daland, etc, et une ouverture saisissante que presque tout le monde connaît sans le savoir). La trame est dramatiquement habile dans sa construction : exposition et présentation nette des personnages (Daland, le Hollandais, Senta, Erik), nœud de l'intrigue (deux amours de Senta en compétition), péripéties (crise et méprise) et dénouement tragique, mêlée habilement de scènes chorales de genre (les marins, les fileuses). Les deux héros sont l'âme même du romantisme : Senta, c'est une autre Tatiana romanesque qui a forgé dans ses rêves l'amour idéal, total, sacrificiel, qui l'arrachera à la banalité du quotidien (l'atelier de filature) et au prosaïsme cupide de son père. Le Hollandais maudit en quête de rédemption, est une sorte d'Hernani et il pourrait dire aussi :

Je suis une force qui va !
Agent aveugle et sourd de mystères funèbres !
Une âme de malheur faite avec des ténèbres !
Où vais-je ? Je ne sais. Mais je me sens poussé
D'un souffle impétueux, d'un destin insensé.
Je descends, je descends et jamais ne m'arrête.

Mais à l'inverse du héros de Victor Hugo (1830), c'est une force qui s'en va, qui voudrait s'en aller, qui désire couler doucement vers le gouffre apaisant, le repos éternel qui lui est refusé par Dieu et que seul peut lui octroyer l'amour d'une femme fidèle : face aux Éva pécheresses qu'il a connues dans son errance au long cours, Senta sera enfin, dissipé le malentendu, l' « Ave », la rédemptrice, l'Éros bénéfique ouvrant la délivrance de Thanatos, la mort par l'amour. Ne pouvant vivre ses rêves, elle rêve sa vie jusqu'au sacrifice final qui donnera corps et vie au songe.
L'œuvre
Des personnages à la fois archétypaux, humains et surhumains. Du romantisme de son temps, Richard Wagner hérite et cultive le goût des légendes. Dans cet opéra en trois actes de 1843 dont il écrit le livret, il s’inspire de quelques pages du poète Heinrich Heine qui vient de publier Aus den Memoiren des Herrn von Schnabelewopski en 1831, ‘Les mémoires du Seigneur Schnabelewopski’ où est relaté une version de la légende ancienne du Hollandais volant et de son vaisseau fantôme.
Vaisseau fantôme : la mer a ses fantasmes, l’océan, ses fantômes, les deux, ses légendes. Une court les flots et les tavernes des marins réchappés aux vagues et tempêtes des vastes espaces marins, l'existence d'un bâtiment hollandais dont l'équipage est condamné par la justice divine qu’il a bafoué à errer sur les mers jusqu'à la fin des siècles. En effet, son capitaine, malgré une tempête effroyable au Cap de Bonne Espérance bien nommé, a décidé de prendre la mer un Vendredi saint, jurant qu’il appareillerait, dût-il en appeler au diable, qui le prend au mot.
Hollandais volant : un capitaine hollandais accomplissant en trois mois un voyage de près d’un an normalement, d’Amsterdam à Batavia (Djakarta), grâce au diable. Cela se passe au XVIIe siècle, époque où les Hollandais ont créé la Compagnie des Indes, courant les océans. La rencontre de ce vaisseau fantôme est considérée comme un funeste présage.

Une première version écrite de la légende est parue dans un journal britannique en 1821. La première version française a été publiée par Auguste Jal, Scènes de la vie maritime, Paris, 1832. Cela inspira, en 1834, la nouvelle de Heinrich Heine : Les Mémoires du Seigneur de Schnabelewopski qui servit de thème de l’opéra de Wagner quelques années plus tard. Victor Hugo cite aussi cette histoire dans La Légende des siècles :
C'est le Hollandais, la barque
Que le doigt flamboyant marque !

L'esquif puni !

C'est la voile scélérate !

C'est le sinistre pirate
De l'infini. 
À notre époque, un film légendaire d’Albert Lewin en 1951 réactualise le mythe du Hollandais volant le mêlant à celui de Pandora, la femme maléfique qui ouvre la fameuse boîte de Pandore des vices, Pandora and the Flying Dutchman, avec la mythique Ava Gardner dans le rôle de l'héroïne qui, par son sacrifice, trouve à la fois sa rédemption et celle du capitaine maudit. Un film plus récent, Pirates des Caraïbes, en 2003, s’en tient au strict vaisseau fantôme.
Mais Heine, à la damnation éternelle du Hollandais ajoute un élément sentimental essentiel : le Hollandais damné a le droit de faire port tous les sept ans et seule la fidélité absolue d’une femme peut lui apporter la rédemption malheureusement, il a toujours été trahi dans son amour lorsqu'il met ses espoirs de rachat dans la dernière, rencontrée, après la tempête, dans le havre inespéré d'un port norvégien. Chez Wagner, c’est Senta, déjà vaguement amoureuse du portrait du capitaine de la légende, qu'elle rêvait ou inventait, fille d’un capitaine norvégien qui n'hésite pas d'emblée à l'offrir en mariage contre les richesses du mystérieux Hollandais, bien qu'il l'ait déjà promise à Érik, désespéré.


Réalisation
On se répète à dire que Charles Roubaud, qui signe et soigne la mise en scène, est comme un oiseau dans l'eau dans l'immense scène d'Orange avec son habituelle équipe si bien rodée au lieu : il en occupe l'espace sans l'encombrer, le nourrit discrètement sans en appauvrir la grandeur. À jardin, deux cordages immenses tombant du ciel des cintres pour figurer le navire invisible de Daland amarré solidement pendant la tempête sans rompre sans doute des amarres avec Dieu ; à cour, comme le résultat d'une convulsion de la mer ou d'un cataclysme de la terre, lattes et lames soulevées, une formidable et spectrale épave, étrave de navire échoué, pointant du pic un ciel absent, coque, carcasse rouillée, trouée, percée de deux sortes d'orbites du bossoir des ancres solides l'attachant à une terre de chaînes d'un impossible naufrage souhaité : sobre et efficace scénographie d'Emmanuelle Favre. Des caisses, des coffres figurent simplement l'activité maritime et portuaire. Des vidéo discrètes de Marie-Jeanne Gauthé projettent la grisaille d'un mer en fureur et de fantomatiques icebergs, 'montagnes de glace' en norvégien, ou des pics vertigineux, de quelque fjord enténébré de nuit de tempête, puis des immeubles en briques sombres percé de fenêtres plus claires et, enfin, un vague décor obscur de grues, poutrelles, engins monstrueux de levage de port brumeux, avant que la carcasse ne soit tête de mort. Clair-obscur, ombre, pénombre, lumière nordique et onirique entre veille et sommeil d'une foule de gens, marins, femmes, que parfois, immobilisés dans le rêve ou le cauchemar, les éclairages ombreux de Jacques Rouveyrollis arrachent partiellement à la nuit avec des effets de peinture nocturne flamande ancienne ou « futuriste ». Les costumes de Katia Duflot, robes, jupes colorées, carreaux et rayures des femmes, hommes en cirés imperméables, se fondent dans la note générale sombre, à l'exception de Senta en clair, parée d'un voile, d'une voile pour l'envol final et du Hollandais, une longue redingote flottante sur un costume ancien gris selon la lumière ou vaguement doré, halo ou hallucination de la jeune femme. Roubaud réussit encore le miracle de faire vivre l'immense espace avec ces foules si maîtrisées en leurs mouvements, et de le rendre intime, familial avec la scène des fileuses devenues tricoteuses sûrement de pulls marins norvégiens, épargnant les encombrant rouets.

L'adieu du Hollandais du haut de la proue est saisissant de grandeur et Senta est emportée par une vague lumineuse comme sa chose naturelle pour clore cette épopée fantastique.

Interprétation
Élégant, digne dans son allure et figure, le Hollandais de Egils Silins, baryton-basse letton, a la même noblesse de voix, une belle ligne, une technique subtile qui lui permet de ne pas accentuer des graves peu profonds pour privilégier l'égalité et le volume de sa tessiture. Par une étrange méconnaissance du texte et de la partition, certains lui reprochent de ne laisser tonner sa voix torrentielle et tempétueuse qu'à la fin, logique expression au moment où il se croit trahi, oubliant qu'il est, jusque-là, un spectre torturé, intériorisant son tourment et avouant son espoir de façon confidentielle, en fantôme meurtri mais non tonitruant. Il est vrai, encore incongruité, qu'on veut le mesurer au géant Stephen Milling, basse somptueuse, qui campe un Daland plein d'allant, d'assurance, truculent, vraisemblable, vrai personnage de comédie à la limite de d » l'opéra-bouffe, deux registres différents du même ouvrage. Dans le registre d'opéra italien de son temps, Steve Davislim (Der Steuermann, 'le marin '), ténor, apporte une touche lyrique et poétique, contrepoint léger au drame central. Souvent sacrifié, le rôle d'Erik, amoureux délaissé par Senta est ici puissamment, dramatiquement incarné par le ténor Endrick Wottrich, sorte de Don José du nord, dont la véhémence, l'amour, aussi fou que celui de la jeune femme pour le fantôme ou fantasme, relève du tragique humain se mesurant à la démesure d'une transcendance qui lui échappe.

Marie-Ange Todorovitch prête à Mary, sorte de contre-maîtresse de l'atelier des femmes, toute sa verve, sa gouaille, son aisance scénique et le velours sombre de son mezzo charnu. Quant à la Senta de Ann Petersen, elle est tout à tour, avec des couleurs et des volumes de voix adaptés à chaque moment du drame, la jeune vierge joyeuse et rieuse, fiévreuse, une mouette ou un ange déjà dans le tempête ou le ciel, et la femme décidée, l'héroïne grandiose, Tosca ou Isolde choisissant la mort pour être fidèles à l'amour qu'elles ont choisi pour destin.
Les chœurs d'opéra de région (Nantes-Angers, Opéra-théâtre d'Avignon, du Capitole de Toulouse, ensemble vocal des Chorégies) sont à la hauteur des parties que leur offre Wagner. L'Orchestre Philharmonique de Radio France est transcendé par la baguette autoritaire et tendre de Mikko Franck : sans tomber dans le pathos, il dégage le pathétique théâtral de la partition, déchaînant la tempête, l'apaisant d'un geste impérieux pour l'éclaircie du thème rêveur de Senta, mêlant et démêlant les thèmes tuilés avec une limpidité de mer transparente pour les brouiller aussitôt dans la houle amère du nord. Il habite les silences, les cuivres, les percussions même, existent dans des nuances presque irréelles de finesse. Son triomphe à la romaine fut mérité.
Der fliegende Holländer, ‘Le Hollandais volant’, Le Vaisseau fantôme de Wagner est venu hanter le mur antique et hantera longtemps notre souvenir.

Chorégies d'Orange
12 juillet 2013
Der Fliegende Holländer, opéra de Richard Wagner, en coproduction avec l'Opéra de Marseille.
Orchestre Philharmonique de Radio France, choeurs des Opéras de Région, direction musicale : Mikko Franck,
Mise en scène : Charles Roubaud ; scénographie : Emmanuelle Favre ; costumes : Katia Duflot ; éclairages : Jacques Rouveyrollis ; vidéo : Marie-Jeanne Gauthé.
Distribution : Ann Petersen (Senta), Marie-Ange Todorovitch (Mary), Egils Silins (Der Holländer), Stephen Milling (Daland), Endrick Wottrich (Erik), Steve Davislim (Der Steuermann).

Photos : Philippe Gromelle
  1. Le Hollandais fantôme, Egils Silins ;
  2. Le rêve de Senta, Ann Petersen ;
  3. Un envol de mouette ;
  4. Une contremaîtresse des travaux non finis, Marie-Ange Todorovitch ;
  5. Erik, Endrick Wottrich, tentant de raisonner Senta ;
  6. L'inutile amarre de l'amour d'Erik.


jeudi, juillet 11, 2013

ANNONCE

DES BARBUES PAS RASANTES!


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Retrouvez-les à l'Espace Roseau,
4, rue Pétramale
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ANNONCE


lundi, juillet 08, 2013

LE FADO


QUINTO
d'António Zambujo, crooner du fado
Théâtre de la Criée

Avec le label MP13 mais sans un sou concédé, Marseille-Concerts présentait, pour son dernier concert de la saison le jeune et sympathique chanteur portugais António Zambujo dans un récital de fados, chant typique du Portugal.

Fado : le mot portugais dérive du latin fatum, 'fatalité', 'destin'. En espagnol : hado. Et hada, en espagnol, c’est la ‘fée’ ; en latin, les fata étaient les déesses de la destinée ; en italien, la fata Morgana, c'est la fée Morgane. En français ancien, le mot fada désigne celui qui est 'touché par les féee' à la tête, le fatuus, le sot, l’insensé. On trouve le terme chez Agrippa d'Aubigné au XVIe siècle, chez Brantôme au XVII e, terme repris au siècle dernier par les auteurs provençaux, tant qu'on le croit né du provençal. Le nom de ce type de chanson, ‘destin’, désigne donc une thématique plus qu’une forme musicale précise, même si l’on distingue entre fado majeur et mineur et le fado corrido, plus vif. Il y a des fados modernes qui sont des slows, des fox-trots, de sortes de tangos, et toute autre forme musicale investie par des textes exprimant mélancoliquement, avec un sens très noir de la fatalité, les malheurs de la vie. C’est l’interprétation et l’ornementation traditionnelle, des grands chanteurs, qui donne au fado une patine qui semble parfois immémoriale.
Le fado aime à parler de lui-même et se définit en chanson. Ainsi, Todo isto é fado, ‘Tout cela, c’est le fado, nous explique ses thèmes :

Amour, jalousie,
Cendres et feu,
Douleur et péché,
Tout cela existe,
Tout cela est triste,
Tout cela, c’est le fado.

Cependant, il y en a aussi de satiriques, humoristiques, d’une plaisante auto-dérision.
Les premiers témoignages sur le fado remontent à la deuxième partie du XIXe siècle : musique bien de cette époque pour les plus anciens connus avec un rapport musical net entre tonique/dominante qui prouve que ce n'est pas un genre qui remonte à très loin ; il ne possède pas d'archaïsme ou de particularisme musical très marqué comme dans le flamenco. Même si on l'élargit et le confond parfois avec des genres musicaux provinciaux, notamment quand le régime de Salazar voulut en faire une sorte d'emblème national, le fado, surtout lisboète, est une chanson urbaine, portuaire (comme le tango, porteño, du port de Buenos Aires) et naît ainsi au milieu du XIXe siècle dans le foisonnement trouble du monde marginal de la prostitution, des bordels, des tavernes à marins. On parle d’un mode de vie « fadista », voyou, bohème, prisé par les aristocrates encanaillés. Le fado Todo isto è fado, 'Tout cela est le fado' nous en donne aussi l’atmosphère :

Almas vencidas,                         Âmes déchues,
Noites perdidas,                          Nuits perdues,
Sombras bizarras,                        Ombres bizarres.
Na Mouraría                                Dans la Maurerie
Canta un rufiã,                             Chante un ruffian,
Choram guitarras.                        Et les guitares s'en vont pleurant

On polémique sur les origines du fado : certains lui cherchent des lettres de noblesse en antiquité, en nationalisme, inventent le mythe d'un fado aux origines plus nobles. Mais le fado lui-même se moque de ces tentatives bien-pensantes pour en gommer les origines louches et gênantes. Ainsi, dans cette Biografia do fado , ‘Biographie du fado’ que je traduis aussi : 

Mais ses aïeux
Etaient des gueux
Un jour peut-être embarqués
Sur les caravelles de Vasco de Gama ;
Sale et déguenillé,
Il roulait des mécaniques
Comme un marin enivré
Dans les ruelles antiques
Du vieux quartier d’Alfama.

Né, certes dans un port, dans un peuple de navigateurs et découvreurs pur lesquels partir c'était souvent mourir, le fado, cette chanson fataliste, amère, exprime la saudade, le spleen ou blues portugais. Il chante les flots amers dans des airs nostalgiques dont les mélismes, broderies vocales, ornent et mettent en valeur le mot. C’est comme une petite frange d’écume musicale comme venue de cet Atlantique d’où le fado semble aussi issu dans ce peuple de marins et ce pays de brumes.
Discrédité après la mort de Salazar et la Révolution des œillets comme identifié au régime, après un bref purgatoire, le fado refit surface, d'autant que la grande Amália Rodrigues, qui lui donna rivage et visage universels, vivait encore. Après sa mort, telle une ombre du Commandeur planant sur le fado, on enterndit de jeunes chanteurs s'en détacher —ou n'oser si mesurer— ouvrir au fado d'autres voies, lui donner d'autres voix, d'autres instruments, l'imprégner d'autres influences, d'autres cultures : jazz, bossa nova.

De la dernière génération d'interprètes, António Zambujo est devenu célèbre au Portugal en incarnant le mari d'Amalia Rodrigues dans une comédie musicale à succès retraçant la vie de la reine du fado. Né dans l'Alentejo, il s'est bercé et imprégné de la tradition locale, le cante alentejano. Il en fit, presque a cappella, une émouvante démonstration dans deux airs de moda alentejana, mais dans la discrétion, qui le caractérisent ou le retiennent, qui lui font gommer la pathos, lisser les aspérités, parfois même trop, au profit d'une interprétation certes toute en finesse, en douceur qu'on voudrait parfois moins monocorde.
Le premier morceau, Casa fechada, 'Maison fermée', émeut par son intériorité pudique et laisse espérer une gamme plus large d'expression des sentiments. Mais ce sont surtout les rythmes, les instruments qui varient : aux traditionnelles guitares espagnole (qui tient lui-même surtout arpégée) et portugaise à cordes pincées (Bernardo Couto), il a ajouté la couleur sombre de la contrebasse (Ricardo Cruz) et des vents, clarinette (José Conde) et même trompette (João Moreira), instrumentistes excellents dont les nuances de timbre répondent à celles du chanteur vedette. Ce dernier ne change guère de ton, conserve cette douceur extrême, mais, sans grands mélismes, varie les nuances les plus subtiles, maîtrise la technique en virtuose, passant de la voix de poitrine légère à la voix de tête, au fausset, en un souffle parfaitement contrôlée et filé. Mais il nous promène dans des rivages moins proches du fado traditionnel du Portugal que des rives et dérives suaves, mauves et guimauves souvent, de chanteurs brésiliens au volume confidentiel, de Caetano Veloso en particulier, João Gilberto, ou même du crooner Chet Baker.


Bref, c'est le fado au risque du fade. Ainsi, ce ne sont pas ces «larmes de Lisbonne » comme certains appellent le fado qu'il faut chercher chez le souriant António Zambujo. Il avait repris un succès de la grande Amália Rodrigues, Amor de mel, amor de fel ; 'Amour de miel, amour de miel'. Le fado, si Amália en était l'ombre, le fiel, il en est l'ambre, le miel. Au risque du sirop.

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